Mi déba woy woy woy !
Grammacks
« Nous sommes dans la séquence historique de réclamation d’un dû : celui de la prise de parole par les dominé·e·s ou de celles et ceux qui se sentent les dépositaires de leurs héritages. Je crois que cette séquence est nécessaire. Elle est justifiée par l’immense entreprise de dépossession de la parole des subalternes, en histoire comme ailleurs. Indéniablement, les travaux universitaires visibles, parce qu’ils sont encore majoritairement masculins, sont quasiment tous faits par des Blancs. Indéniablement aussi, les positions académiques sont tenues par des Blancs. Le monde académique n’échappe pas à ces dominations et discriminations structurelles. Et je ne parle même pas des travaux élaborés par des personnes non blanches et pillés allègrement. Je sais que cela existe : c’est pitoyable et révoltant. »
Laurence de Cock, entretien à la Revue Ballast, 13 avril 2019
J’avais peu envie de continuer de publier sur le sujet Laurence de Cock. On est en plein Carnaval. Son intention, confirmée par la chronologie des événements et les éléments à ma disposition, l’essentiel partagé dans « Le Pillage« , suffisait à mettre à jour ses pratiques. Puis j’ai lu son deuxième texte. J’ai fait un fil Twitter sur ma page personnelle. Pour ceux qui l’ont lu, vous retrouverez quelques éléments dans ce texte. Pardonnez-moi si je m’auto-plagie. Puis d’autres éléments sont apparus. Un article sur Arrêt sur Images fut publié. J’ai laissé passer deux jours histoire d’être bien bien sûr que c’est bien ce que j’avais lu et effectivement, ce deuxième article dans Politis* est tout aussi infâme que le reste. Une réponse plus formelle, avec notre style si « drôle » selon Laurence de Cock, s’impose donc. En espérant que ça la fasse rire tout autant. C’est parti !
Dans un droit de réponse auto-accordé de son honteux pillage et de la polémique qui a suivi, Laurence de Cock nous invite à poursuivre le débat. Et pour bien commencer elle me qualifie de « lecteur » qui l’aurait attaqué sur les réseaux. Et oui ! Maintenant Laurence de Cock connaît mon nom. Je n’étais pas dans son pompage initial, ni dans son thread twitter – où j’étais quand même « un auteur », tu me promeus ou tu me démets chère Laurence ? -. C’est un peu comme pour tout, il semblerait que sur les questions d’invisibilisation, Laurence de Cock soit partagée, 50/50, une fois sur deux. Elle ne sait jamais vraiment si elle veut donner de la visibilité positive aux gens dont elle a avoué s’être inspirée, ou les invisibiliser, ou les deux en même temps. Ou wè y ou pa wè y on dit chez nous quand quelqu’un tente un tour de prestigiditation mal intentionné.
Une chronologie
Une rapide chronologie s’impose.
Mes textes sont publiés en libre accès, déclinés en cinq parties, jour après jour, du 28 janvier au 1er février 2020. Ce n’est pas « selon nous » comme le dit ASI. Les dates de publication sont les mêmes sur notre site. Sur notre page Facebook. Sur notre page Twitter.
Mercredi 12 février, Laurence de Cock publie un message Twitter annonçant « une socio-histoire du Galion. » Je n’avais pas vu ce post initialement. Ce sont des chercheurs en Sciences Humaines et Sociales qui m’ont prévenu de son existence. Ils m’ont immédiatement indiqué de me méfier. De lui laisser un commentaire pour lui indiquer de ne pas faire ce qu’elle s’apprêtait à faire. Je ne connais pas Laurence de Cock, ni ses pratiques, mais clairement elles sont connues dans le milieu universitaire. Quelque chose à fouiller peut-être pour des journalistes de grands médias ?
Mercredi 19 février, Laurence de Cock publie dans Politis.fr son premier texte. On sait ce qu’il est.
Le 19 février à 19 heures, heure de Martinique, je publie mon tweet initial déclarant mon choc devant ce qui est fait. Une semaine après, elle a fait exactement ce qu’on m’avait annoncé qu’elle allait faire.
19 février toujours, entre 19 heures et 20 heures j’échange avec des amies et collègues qui l’ont accompagnée durant son séjour. Elles établissent que ce ne sont pas elles qui ont fourni le sujet à Laurence de Cock. Au contraire.
19 février, 20 heures 23 minutes. Je suis contacté par Laurence de Cock. Dans la suite de message que nous échangeons, elle m’avoue avoir lu mon « blog », mais qu’elle a trouvé ma, pardon « sa », thèse seule. Elle dit immédiatement que ce sont mes amies et collègues qui lui ont donné le sujet. Je lui indique que je sais qu’elle ment. Je lui donne tout de même la nuit pour faire amende honorable et citer mon travail. J’éteins mon portable. Ray était sur Netflix, un film toujours aussi formidable !
Dans la nuit du 19 février au 20 février, Laurence de Cock fait une rapide modification de son texte sur Politis. Mon nom est absent. Celui de la revue Zist aussi. Le lien est donné n’importe comment. Contrairement au autres notes de bas de pages de son article. De Cock est une académique. Elle sait ce qu’elle fait. Ou plutôt, ce qu’elle ne fait pas. Surtout, elle fait un long fil Twitter, où elle noie le poisson, mon nom n’est toujours pas donné, pas de lien vers l’article, ou la revue. Par contre Laurence avance qu’elle a fait des recherches et constitué « un dossier historiographique », et que sa vraie référence pas nommée, pas citée, est un éditorial de Jean-Marc Party, rédacteur en chef à Martinique 1ere, chaîne publique, en Mai 2018.
Dans la matinée du 20 février, j’indique à de Cock que je lui ai laissé la chance de faire amende honorable mais qu’il y a un tel fossé entre ce qu’elle prêche, le mépris et la condescendance complète affichés en public comme dans nos échanges que je ne retiendrai pas ma parole. « Koupe tèt, Boule kay ». J’y reviendrai.
Le 20 février dans la soirée, je publie « Le Pillage » mettant à jour les méthodes crasses de de Cock et notre volonté de ne pas laisser ce genre de pratiques passer tant cela met en lumière un certain nombre d’enjeux auxquels nous faisons face en tant que projet collectif, qui tente d’être structurel.
Le 22 février Laurence publie sa suite. Quelque part, dans ces deux jours de rédaction, Laurence, ses relecteurs, ses rédacteurs, la revue Politis, se sont dit qu’afficher un mépris permanent permettrait de poursuivre un quelconque débat. Tout cela présenté dans une large troisième partie qui sert d’auto-absolution. Jamais le terme de « prêtre(sse) médiatique » n’aura été aussi approprié.
Le 22 février aussi, je reçois dans la matinée un courrier électronique que fait suivre Laurence de Cock à deux de mes soutiens publics, deux femmes universitaires noires, avec son « dossier historiographique », ainsi que l’intégralité de nos échanges par message. Mais « Chut ! C’est entre nous, parce que c’est illégal de le partager ! ». Alors pourquoi n’a-t-elle pas poursuivi ?
Et c’est là que ça devient extra croquant.
Les mensonges répétés de Laurence de Cock
La seule raison pour laquelle j’ai publié les messages de Laurence de Cock indiquant le nom de sa relectrice, c’est qu’elle l’utilise nommément dans ceux-ci, ainsi que d’autres, mais aussi publiquement comme alibi dans son fil Twitter, publié après nos échanges de la nuit du 19 février où je lui ai déjà indiqué que c’est un mensonge. Ce n’est plus une conversation privée, c’est une preuve matérielle d’un mensonge public d’une personnalité qui du haut de ses cinquante milles followers et de ses nombreuses tribunes médiatiques essaye de réécrire le déroulement des faits.
Mon article « Le Pillage« , publié en réaction, a été relu par les concernées avant sa publication. Donc indiquer dans son deuxième texte que j’ai « attaqué des femmes martiniquaises » est honteux. J’avais déjà annoncé dans ce texte, que de Cock adopterait une posture de victimisation alors que c’est elle qui victimise et divise pour mieux régner. Classique renversement de la violence. Cela n’a pas échappé à nombre d’observateurs.
Certains commentateurs Twitter ont voulu l’expliquer par la psychologie : elle internaliserait les rapports de colonialité et les appliquerait naturellement, comme par réflexe. D’autres pourraient l’inscrire dans le long historique des relations de domination entre hommes noirs et femmes blanches, où celles-ci, coupables d’une faute, parfois quelconque, utilisent leur image de pureté et l’image de bête animale qui ne contrôle pas ses pulsions de l’homme noir pour littéralement envoyer des hommes de couleurs à la corde. L’exemple d’Emmit Till est le plus connu. Mais il y en a pléthore. Me voilà homme antillais sauvage, qui méprise les femmes, il ne me manque plus que la moustache de Franky Vincent et le hamac de Pascal Légitimus. Est-ce un hasard si c’est dans le texte où elle me méprise, me rabaisse et tente de me vouer aux gémonies que de Cock me nomme enfin ? Je ne pense pas.
Autre problème : Zist est une revue méchamment féministe. Dans ses pratiques, dans le staff qui la compose, dans l’essentiel de ses contributeurs, dans son discours, dans les textes qu’elle publie. Je l’ai même créée par rapport à des pratiques d’appropriation du travail de collaboratrices qui m’avaient choqué dans une aventure éditoriale précédente. Je m’arrêterai là et n’utiliserai pas mes collaboratrices comme bouclier, comme Laurence de Cock a voulu abuser de la solidarité féminine pour instrumentaliser des femmes martiniquaises comme alibi et excuses à ses magouilles intellectuelles.
Il ne vient pas non plus à l’idée de de Cock et de Politis qu’en s’appropriant et invisibilisant un article de la revue qui a clairement assez de valeur pour être lu et imité par une telle éminence grise, que c’est aussi le travail de ces nombreuses collaboratrices qu’elle invisibilise. En s’attaquant à ma personne, en rabaissant la qualité de ce projet, elle s’attaque au projet de rupture que nous essayons de mettre en place.
Le pire de tout, c’est qu’après nos premiers échanges, comprenant à quel type de personne j’avais affaire, j’ai annoncé à ces femmes que Laurence de Cock se positionnerait en victime. Non pas par masculinisme, mais parce que je suis étudiant de l’Histoire. Et comme annoncé, comme pour tout le reste, elle l’a fait.
Mais continuons le fil des mensonges. Dans son fil Twitter, du 19-20 (je n’ai pu vérifier l’horaire je suis bloqué) ainsi que dans son article du 22 Février, de Cock indique que ce n’est pas mon texte, ni les femmes qui ont eu le malheur de vouloir collaborer avec elle qui l’ont inspirées, mais l’éditorial de Jean-Marc Party. Bon, elle ne l’a pas cité non plus dans son texte original. Mais vous savez ce qui est plus drôle, il est absent du « dossier historiographique » que de Cock envoie à tout le monde pour se défendre. Et de deux !
Plus drôle encore, dans ce « dossier historiographique », est présente la troisième partie de mon texte, Le Sucre. Vous y retrouverez la problématique centrale de De Cock (enfin, la mienne) et une description de l’histoire du Galion. Ainsi que des tournures de phrases présentes dans les deux textes qu’elle a oublié de retoucher. Ce qui est très très drôle c’est que dans notre échange par message dans la matinée du 20 février, elle m’indiquait : « je n’avais même pas vu que c’était une série ». Alors, qui croire ? Laurence de Cock du 20 février ou Laurence de Cock du 22 février ? Moi je dis que c’est parole contre parole.
Alors, qui croire ? Laurence de Cock du 20 février ou Laurence de Cock du 22 février ? Moi je dis c’est parole contre parole.
Delenda Carthago
Voici l’intégralité de mon message du 20 février dans la matinée, je le reproduis ici pour faciliter la lecture :
Bonjour,
Zaka Toto à Laurence de Cock, Jeudi 20 février, 7:42
J’ai lu assez de petits mensonges et de grandes entourloupes entre vos messages et votre thread. Le texte était disponible dans son entièreté la semaine où vous l’avez lu. Les 4 parties [5, j’avais pas encore bu mon café NDLR] sont clairement indiquées en bas de page. J’ai aussi une chronologie claire avec tous les éléments à ma disposition.
“Blog”, pas de nom d’auteur, le lien mal donné, pas de mention du copier-coller de votre problématique, et du fait que votre texte est une note de lecture. Vous n’avez même pas su faire le minimum syndical. Vous ne cherchez même pas à créditer normalement. C’est lamentable. Surtout de votre part.
Koupé tèt, boulé kaye.
Voici la réponse de Laurence de Cock :
Si vous pensez que c’est un plagiat, portez plainte. Ça suffit maintenant.
Laurence de Cock à Zaka Toto, Jeudi 20 février, 7:43
Le dernier message de notre échange :
Causer du tort. Nier. Avouer à demi mots. Ne pas réparer la faute. Dire “ça suffit maintenant”. Le masque tombe.
Zaka Toto à Laurence de Cock, Jeudi 20 février, 7:44
Comme précisé dans « Le Pillage », tous ces messages n’ont pas été partagés afin de faciliter la lecture, mais qu’ils étaient archivés et que je n’aurais aucun problème à les mettre à disposition à qui de droit.
« Ça suffit maintenant ». Du début à la fin de ces échanges, Laurence de Cock aura voulu déterminer ce qui est juste, ce qui revient de droit, ce qui doit être visibilisé, quels devraient être les enjeux, qui devrait être accusé, qui devrait être pardonné.
Pendant tous nos échanges, je lui ai donné largement le temps de réparer ses fautes, d’arrêter ses mensonges et de stopper immédiatement ses tentatives de monter des gens les uns contre les autres. Elle fera tout le long strictement l’inverse, en essayant probablement d’utiliser ses contacts médiatiques dans l’ombre pour que cette affaire ne sorte pas dans toute son exemplarité, dans toute sa clarté.
Alors oui, j’ai dit « koupe tèt, boule kaye », mais mes armes de destruction massive ne sont que mes pauvres écrits de « lecteur », « auteur de blog », au nom inconnu. Ce sont mes « Armes Miraculeuses » comme dirait Aimé Césaire. Ce sont mes « Liquid Swords » comme dirait GZA du Wu Tang Clan.
Et peut-être, pouvons-nous ici toucher aux incroyables lacunes historiques et culturelles de de Cock. Non madame, « koupe tèt, boule kay » n’est pas une expression utilisée lors de l’insurrection du Sud de 1870 en Martinique. C’est du créole haïtien. C’est le chant de guerre des armées de Dessalines lors de la Révolution haïtienne. Mais j’aurais probablement dû utiliser le latin, vous auriez compris l’usage métaphorique et rhétorique d’une expression historique.
Enfin, de Cock se dédouane aussi de son oeuvre d’invisibilisation par tout un laïus sur les articles de vulgarisation qui ne nomment par leurs sources. Même pour les thèses et idées principales prises ailleurs. Bref, traduit ça donne « notre revue n’a aucun standard scientifique » et « n’a aucune net étiquette« . Plus heureux pour nous, Politis qui verbatim « soutient Laurence de Cock », semble avoir un standard de citations, d’hyperliens, inférieur à celui auquel on se tient dans ZIST où toutes les sources utilisées sont mentionnées et liées.
Laurence de Cock dans son dernier texte dit : « c’est un texte documenté, assez drôle et qui affine la thèse dans mon texte que je qualifie de « contresens historique ». Et voilà l’inversion annoncée! Celle que nous craignions dès le début, dont nous avions expliqué les nombreux enjeux structurels dans notre texte « Le Pillage ». Paradoxe final : alors que son écriture d’article n’est pas scientifique, son autorité et sa primauté sur la thèse le sont. Le Pillage est acté derrière un long blabla sur ce qu’est l’invisibilisation. Ou wè y, ou pa wè y.
« Ça suffit maintenant ». Du début à la fin de ces échanges, Laurence de Cock aura voulu déterminer ce qui est juste, ce qui revient de droit, ce qui doit être visibilisé, quels devraient être les enjeux, qui devrait être accusé, qui devrait être pardonné.
Mi déba woy woy woy !
Mais sortons de cette petite affaire de pickpocket sans envergure ni morale.
Ce qui nous frappe dans cette histoire c’est le fait d’avoir été prévenu par des chercheurs en science sociale que Laurence De Cock s’apprêtait à nous piller. Cela veut dire que ces pratiques sont connues dans le milieu. D’elle, et d’autres. Et vu le soutien d’une revue de gauche comme Politis, qu’elles sont encouragées et protégées par toute une superstructure du pillage. Politis existe depuis 1988, combien de cas précédents ont pu arriver ? Combien d’affaires étouffées avant l’arrivée des réseaux sociaux ? Combien de cas dans l’Université ? Parce que c’est tout de même incroyable qu’avec un tel corpus de preuves et une telle démonstration d’intentionnalité, la revue ne fasse pas un léger aggiornamento de ces habitudes.
Peut être que si cette revue m’avait contacté, ou si le journaliste d’ASI n’avait pas essayé d’en faire une histoire de gloire personnelle là où je commence mon article par une mise en perspective du projet de la revue, ils auraient su le nombre de fois où je dois rassurer de jeunes chercheurs/res, auteurs/res sur le fait qu’ils doutent que nous pourrons les protéger de ce genre de pratiques.
Mais nous n’avons pas l’habitude d’attendre que d’autres, et surtout pas de pseudo-alliés, fassent le travail pour nous. Nous avons donc créé une hotline, une adresse email, où nous accueillerons la parole de « ceux qui n’ont pas de voix », avec l’idée de recueillir leurs témoignages d’invisibilisation et d’appropriation par des figures comme Laurence de Cock et des revues comme Politis. De mesurer, de qualifier, ce grand écart entre le discours et la pratique. Nous avons déjà reçu plusieurs témoignages, certains touchant d’ailleurs notre chère éminence. Nous réfléchirons bien entendu à comment traiter ce sujet avec notre rigueur habituelle et à le rendre accessible avec style et humour. En attendant voici l’adresse :
pillage@zist.co
Zaka Toto est le fondateur et le directeur de publication de Zist.
Pour savoir comment tout cela a commencé, lire le Pillage.
Pour lire l’essai original, Le Sucre
*Ajout 29/01/2022 Suite à ces articles, Laurence De Cock ainsi que son représentant « l’avocat-militant » Raphael Kempf a porté plainte pour diffamation. Deux fois.
* Ajout 27/02/2020. « Ce deuxième article dans Politis » C’est bien le deuxième article de Laurence de Cock qui est « infâme » et non pas l’article de Loris Guémart dans Arrêt sur Images.