On a tous grandi avec un ventilateur. Enfin, tous ceux qui ont eu la chance de grandir le long des tropiques. Le Monde quoi. Je pense à celui de ma grand-mère au bruit duquel je m’endormais les après-midi de bombance familiale. Je parlais dedans, surpris de ma voix de métal, mon vocodeur à moi.
Mais le ventilateur c’est aussi un marqueur social. De ceux qui ne peuvent se permettre qu’un accès limité à une technologie commodifiée, de ceux qui ne peuvent se permettre de mettre la clim’ dans toutes les chambres. Un luxe accessible. Un luxe, mais pas trop. Il ne rend la chaleur que tolérable, il ne l’efface pas.
Quand je demandais à ma grand mère pourquoi elle n’installait pas cette foutue clim, elle disait : “je ne l’aime pas, j’aime les choses naturelles”. Peu convaincu, j’appuyais sur le bouton 3 du réglage.
Par hasard, je retrouvais les mêmes ventilateurs à l’autre bout du monde, en Asie, différentes marques, même modèle, dans les tours de verre de la nouvelle richesse mondiale. Pourtant, ils avaient tous la clim. Un vieil homme d’affaires de m’expliquer qu’il préférait digérer avec un vent léger dans la pièce, pas du froid. Sagesse universelle.
Un copain taïwanais, jeune cadre hyper-dynamique, m’expliquait un jour, tout fier, qu’il venait de s’acheter un nouveau ventilateur. J’étais surpris, c’était le même vieux modèle des années 80 que l’on retrouvait dans tous les garages du pays. Il m’expliquait que ce modèle n’était plus en construction depuis longtemps mais que son ubiquité était un testament de sa durabilité, sa simplicité et son efficacité un testament de l’ingénuité d’un pays qui est (fut ?) pendant longtemps l’atelier du monde. Au-delà de la nostalgie, du symbole. Bref, le modèle était ressorti avec de nouvelles couleurs. Il était désormais chic.
Zaka