Mai 2018, Martinique
Du 18 au 25 Mai 2018, le Kolectif Matinik Pou Anlot Vision de Lafrik (« Collectif Martiniquais pour une autre vision de L’Afrique » en Français) organisait sa Semaine de l’Unité Panafricaine. Au programme : des rencontres, des animations, des conférences, beaucoup de conférences mais aussi une Cérémonie aux Ancêtres, et un grand Konvwa pou Réparasion (Convoi pour les Réparations). Le Kolektif entend ainsi réhabiliter l’Afrique, rapprocher tous les afro-descendants, créer une diaspora unie dans la lutte contre l’oppression colonialiste qui opprime l’Afrique et les Amériques et touche surtout les afro-descendants.
Le Kolectif regroupe des associations tel que le Comité National sur les Réparations (C.N.R.) présidé par Garcin Malsa, pionnier de l’écologie décoloniale via l’association Assaupamar, figure de l’indépendantisme martiniquais, ancien Maire de la ville balnéaire de Sainte-Anne ; le Mouvement International sur les Réparations (M.I.R) présidé par Garcin Malsa, pionnier de l’écologie décoloniale, figure de l’indépendantisme etc ; mais aussi Moun, mouvement politico-spirituel créé par Olivier Berisson, ancien président de l’Assaupamar, fondé par Garcin Malsa, pionnier, figure, etc ; Munkam, présidé par Sékou Manga aka Frantz Roisier, dont je n’ai pas pu trouver de grands accomplissements sinon un zouk rétro qui sent bon les années 1980 intitulé Nèg Nwè (Nègre Noir) ; Nou Matinitjé mené par Alex Saint-Yves Lauréat aka Zu-M’By N’Khidy (oui, il met son “vrai” nom africain après son nom en Français contenant Saint-Yves), auteur du méconnu “La Nation Martiniquaise, Une Force Spirituelle”, ancien (?) militant du Comité National des Comités Populaires (CNCP, maoïste), et surtout, frère de la figure tragique du mouvement nationaliste martiniquais Jean-Claude Lauréat…
Le Konvwa pou Réparasion est un événement culturel et politique marquant en Martinique. Il prend place en Martinique chaque Mai, “le mois des Abolitions” en France, et est une traduction événementielle de la reconnaissance de l’esclavage comme Crime contre l’Humanité en France (Loi Taubira, 1998). Chaque année, le Konvwa suit un thème différent et la marche est divisée en plusieurs étapes à travers des endroits importants de l’histoire de la Martinique. Il entre aussi dans le contexte d’un mouvement international sur le sujet des Réparations qui a pris une traction énorme dans les îles de la Caraïbe notamment via le Comité de Réparation du Caricom mené par Sir Hillary Beckles, mais aussi aux Etats-Unis, où la question des Réparations souvent écartée, même par l’establishment Noir, est revenu fortement avec le développement de nouveaux travaux historiques et l’essai de Ta-Nehisi Coates “A Case for Reparations”. Le Konvwa seul attire des délégations de toute la diaspora afro-descendante, et loin d’être revendicatif ou exclusif se voyait plutôt comme un rassemblement, quelque chose de quasi-familial. Ce qui semble se passer en 2018, c’est que son déroulé est devenu secondaire…
Plutôt, fut mis en avant un grand invité, Kémi Séba, le président de l’ONG Urgences Panafricaines, et selon le Kolektif, “une figure du panafricanisme”. Kémi Séba pendant cette semaine ce fut : une prise de parole pour donner le départ du Konvwa, une rencontre avec les “jeunes créateurs d’entreprise”, un Grand Meeting au Grand Carbet de Fort-de-France, une rencontre avec “les étudiants”, “les jeunes”, et “les jeunes” une deuxième fois avant de repartir pour une autre série de meetings, ce coup-ci en Guadeloupe.
Kémi Séba est un fin orateur, qui reprend beaucoup de la mystique et des techniques rhétoriques de Malcolm X et de la Nation of Islam. Grand, costaud, barbu, toujours tiré à quatre épingles, en pagne fait de tissu africain, affublé de manière quasiment permanente de lunettes noires. Sur son pagne violet, au niveau du coeur, un logo de l’Afrique où s’inscrivent les initiales de Kémi : KS. Kémi n’est jamais seul. Il a tout son staff, qui lui ressemble en tout point, lunettes de soleil comprises. Et tout est filmé afin de le partager sur le site Facebook d’Urgences Panafricaines. Il faut voir cette vidéo tout en ralentis de Kémi se recueillant sous la pluie devant la tombe d’Aimé Césaire, murmurant quelque chose, enlevant ses lunettes de soleil pour essuyer des larmes… ou la pluie, un piano lancinant et larmoyant accompagnant le tout. Dans une autre vidéo montrant son accueil chaleureux à l’aéroport, la voix-off de Kémi nous explique que “les Antilles sont l’avant-garde du peuple noir, et que je me devais de venir rendre hommage”. Toute la semaine sera du même acabit. Kémi se présente comme un grand leader, haranguant la foule à prendre conscience et à se soulever notamment dans un meeting du Grand Carbet survolté, où il fera le geste révolutionnaire de dire et de nommer les noms des familles békés de Martinique, ce qui, selon lui, “est interdit”. Ça ne l’est absolument pas. Mais la foule se leva comme un seul homme.
Le Sucre est une série.
Pour retrouver la deuxième partie, cliquez-ici.
La troisième partie, cliquez-ici.
La quatrième partie, cliquez-ici.
La dernière partie, cliquez-ici.