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ZIST Vol. 2 – Dire et Montrer

Dans sa dernière collection d’essais, l’Origine des Autres, l’écrivaine américaine et Prix Nobel de Littérature Toni Morrison décrit la première fois qu’elle s’est découverte “autre”. Contrairement à ce que l’on pourrait attendre d’une noire américaine née dans les années 1930, ce n’est pas lors d’une rencontre avec le racisme blanc que cela s’est passé, mais lors d’une visite à sa grand-mère. Figure massivement tutélaire, à la peau très foncée, elle déclare à la première vue de ses deux petites-filles à la peau claire, qu’elles sont “altérées”.

Toute l’oeuvre littéraire de Toni Morrison sera influencée par ce moment où elle fut marquée du sceau de l’impureté, par la réalisation du pouvoir qu’il représente, non seulement entre “races”, cette réalité non-objective, à l’intérieur de ces groupes et individus eux-mêmes, mais aussi entre classes, sexes et genres. Son travail d’écriture cherche alors à déjouer et défaire ce pouvoir, de “discréditer la routine du fétichisme de la couleur” afin de magnifier la spécificité de l’individu. Chez Morrison, ne pas dire, cacher, c’est montrer.

Simone Lagrand ne dit pas d’où sont ses “Moune Ici”, ni quelle est leur couleur de peau, pourtant le créolisme “Moune”, “gens”, les lieux, les habitudes, indiquent clairement que cet “ici” c’est la Martinique. La plage, le madras, le rhum et les cocotiers… Pas du tout. Des gens qui vivent, meurent, s’amusent, rêvent, regrettent, échouent : cet ici pourrait être n’importe-où, et peu importe quelle serait l’apparence exacte de ceux qui le peuplent. Mais c’est surtout dans son choix de format que se situe l’idée de Simone, d’esquisser sans trop dire, de nous laisser remplir les blancs ou imaginer quelles pourraient être les connexions entre ces mounes. Par envie de nous laisser sur notre faim pour la prochaine fois ? Probablement. Derrière l’exubérance des tics et des détails, de la pudeur aussi ?

Si vous avez lu le premier volume de ZIST, vous avez fait connaissance, malgré ses cachotteries, de Tinderbelle, de ses aventures et de son absence totale de pudeur. Son texte du jour s’intitule « De l’exotisme » et fait écho très clairement à la problématique soulevée par Morrison. Avec une difficulté : comment aborder ses propres interrogations, ses désirs ravageurs, ce que l’on a intégré et que l’on essaye de combattre, explorer et (se) révéler, sans dire nommément ce qu’il en est. Sans tout dire ?

“les morts nous servent depuis toujours […] nous les gardons dans des boîtes/à l’abri/comme la mayo au frigo/les glaçons au freezer”, c’est en partie ainsi que finit « Débile mentale » de Kenny Ozier-Lafontaine, sorte d’élucubration d’un fou, ou peut-être propos de comptoir étrangement éloquent. J’y vois quelque chose de très politique, vous en pensez quoi?

Nous avons enrobé notre ZIST de deux bijous de Carla Rebelo, parce ce qu’elle y dit me parle beaucoup, après tout, ces textes et ces photos ont été assemblés pour une raison, je ne vous dirai pas à chaque fois pourquoi.

Zaka